Létika
A considérer d 'un regard distrait ou ordinaire les dessins de Létika nous pouvons y voir un univers coloré, fantasmagorique, cocasse, merveilleux et séduisant comme peut l’être celui des contes pour enfant. Cependant cette première impression se dissipe très vite ou du moins vacille sur elle-même. Tant nous savons depuis l'avénement de la psychanalyse et de l'ethnologie notamment Vladimir Propp, Claude Levi-Strauss, Bruno Bettelheim , combien les contes et les légendes ne sont en rien des récits tout à fait faciles, fantaisistes, fabuleux et sages. Nous savons aussi que le monde de l'enfance et la figure de l'enfant sont tortueux, cruels et complexes. Freud qualifiait la psyché de l'enfant de « perverse polymorphe ». En ce sens ou le monde de l'enfance n'a pas pour soi cet état d'innocence, de quiétude . Il y a sous le lit, dans les armoires, derrière les portes fermées tout un univers parallèle : sombre et maléfique ou absurde et réglé par les lois paradoxales du « non-sens » comme celui du monde merveilleux d'Alice. Mais avec Létika c'est comme si le monde merveilleux d'Alice avait effectué le chemin inverse et s'était déversé dans le monde ordinaire. A sa manière, par son art, elle approche, interroge ces concepts et thèmes. Létika y inscrit et y déploie son œuvre. En effet nous pouvons y retrouver des animaux étranges et hybrides , des humains qui peuvent ressembler à des princes, des sorcières, des ogres, des fées, des bergères, des chevaliers. Autant d’éléments propres à une typologie folkloriste. Mais Létika tend à rendre grave, redoutable et monstrueux, encore un peu plus, tous ces personnages familiers de nos fictions. Elle parvient magistralement à le faire en forçant le trait ( dans tous les sens du terme). Il y a peut-être là, l’un de éléments constitutif de son esthétique : le trait. Son trait est un tracé anguleux même quand il se fait courbe, puissant même quand il veut demeurer en surface, précis même quand il veut être esquisse. D’ailleurs son trait est vraiment un tracé car il se déploie , se disperse, se dissémine, en ce sens où les éléments composant le dessin ( les personnages, les objets, les choses) sont souvent liés et reliés entre eux par des effets de superposition, de liaison ou d'analogie graphique. Son trait en tant que tel est tout autant dans la précision que dans l’exagération. Létika verse dans une poétique du grotesque. Nous pouvons dire pour faire simple qu 'elle s’inscrit dans ce sillage discontinu et tumultueux de l’histoire de l'art allant et avant Jérôme Bosch jusqu 'à James Ensor. Deux noms comme parenthèses pour définir ses créations débordantes, le fourmillement irraisonné des formes et des corps, le renversement joyeux et inquiétant qu’autorise la mascarade. En plus ou plutôt avec le trait, intervient la couleur . La couleur est myriade. Elle se décompose et se démultiplie. Au continuum des camaïeux, Létika opte pour des chocs chromatiques
d’autant plus vivaces qu'elle s’éloigne de la palette des couleurs primaires, pour des teintes secondaires ou complémentaires Les couleurs ne sont pas franches et en cela leur rapport notamment de contraste s 'en trouve perturbé. Du vert pâle , du rose fluo, du gris griffonné, du jaune orangé, du bleu pastel : addition de couleurs selon des techniques disparates. Regarder les couleurs de ses dessins est comme viser un arc en ciel en implosion. Cependant dans cette implosion il y a une harmonie chromatique , une juxtaposition des couleurs qui dialoguent ou s’ignorent mais sans débordement ou bavure.
Il faudrait pour qualifier l'esthétique de Létika sans doute prononcer à un moment ou un autre, un vocable galvaudé, aux usages multiples et inexacts , aux interprétations souvent maladroites et erronées qui est celui de « baroque ». Le mot est lâché. Il peut servir pour comprendre autant que desservir pour brouiller. Toutefois dans le cas précis de l'art et de l'oeuvre de Létika, il est sans nulle doute une terminologie idoine.
Elle est une artiste baroque au sens fort et plein du terme. Le mieux pour s 'en convaincre et le saisir est de se référer aux mots de l’historien de l'art suisse Heinrich Wölfflin à propos de la période baroque « comme l’époque où l’ovale remplace le cercle au centre de la composition, équilibre substitué de la centralisation, effets de couleur et de peinture commencèrent à devenir de plus en plus primordiaux ».
Chez Létika, il y a d'abord un baroque de substance. Elle abolit ou du moins rend ténu les lignes de partage qui distinguent l'homme de l'animal, l'animal du végétal, le végétal de l'objet. Il n y a pas qu'une simple hybridation, comme nous avons pu l’écrire plus haut, mais une conjonction et une confusion des genres et des qualités. bestiaire, anthropologie, herbier sont des savoirs qu 'elle détourne.
Il y a aussi chez elle, un baroque de surface : Elle n 'hésite pas à mêler et à mélanger les motifs collés, éléments en relief, et dessins à même le support...bruits des scènes représentées....
Vit et travaille à Saint Victor et Melvieu en Aveyron
2019 : Exposition sur le thème des Menhirs, avec l'association Les douze figures, Saint Sernin sur Rance.
2014 Exposition collective à la galerie L'art de rien
Exposition personnelle
Ceci n'est pas une galerie, Paris
2016 : Participation à un fanzine autour du thème de l'enfance, de la science et de la religion.
2012 : Artiste intervenant, atelier d'arts plastiques avec les élèves du groupe scolaire d'Argenteuil.
2010 :Travail associatif avec Mix Art Myris, Toulouse
création d'une fresque
Formation
2016 : Préparation du master1 d'arts plastiques, Montpellier 3 Paul Valéry.
2000 : Obtention d'une licence d'arts plastiques, Paris Panthéon Sorbonne.
1998 : Obtention d'un DEUG d'arts plastiques, Paris Panthéon Sorbonne.
1996 : Obtention du Baccalauréat littéraire option arts plastiques, Carcassonne, Lycée Jules Fil.